Le comité
de sélection

Qui sont les femmes et les hommes qui président à la sélection des films en compétition ? Composé de femmes et hommes provenant d’horizons et d’expériences divers, les membres des comités de sélection posent des regards multiples et variés sur les œuvres qui sont proposées au festival. 

 

Rencontres avec Bénédicte Philippon, Fred De Loof et Pierre Ligot, pour les courts-métrages, et Constant Carbonnelle, Adrien François et Manuel Houssais, pour les longs.

Bénédicte Philippon

Copyright : Frédéric Raevens

Diplômée du Conservatoire Royal de Bruxelles, elle semble être partout : sur les planches, au cinéma, dans des téléfilms et dans des sketches qu’elle écrit avec talent. C’est avec « Music Hole » de Gaëtan Liekens et David Mutzenmacher, primé en 2019, qu’elle a découvert le FIFCL. Elle ne l’a plus vraiment quitté depuis…

Qu’est-ce que la comédie, pour vous ?

La comédie, c’est d’abord un don. Les gens qui l’ont n’en ont pas toujours conscience, ils le découvrent dans leur parcours. Ce n’est pas quelque chose qui s’apprend ; on peut en acquérir les bases, pour améliorer une technique, mais c’est véritablement un don, et une passion : ceux qui le possèdent sont souvent amateurs du genre.

Il me semble que cela doit faire des siècles que, chaque année, les gens disent qu’ils ont vraiment besoin de rire. C’est peut-être même quelque chose que l’on disait déjà au Moyen Âge, même si on ne rit plus forcément de la même façon. Je pense cependant que, tant qu’il y a du second degré, on peut rire de tout. On risque plus vite d’être attaqué depuis l’émergence des réseaux sociaux -je me demande comment Rabbi Jacob serait accueilli aujourd’hui… Mais peu de réalisateurs se mettent cette barrière, et c’est heureux ! Parce que le rire est essentiel. Je connais un réalisateur de comédie qui affirme qu’il ne fait pas ce métier pour aller mieux, mais pour aller moins mal. Et il est vrai que les gens les plus drôles sont souvent sujets à la dépression, donc ils ont besoin de rire, et de faire rire. Et, ce faisant, ils aident aussi les autres à aller mieux. Le rire soigne !

Qu’attendez-vous de la programmation du Festival ?

J’attends de nouvelles rencontres, de nouveaux talents, de nouveaux univers ! Chaque année, on découvre au moins une perle, on s’interroge : « Qu’est-ce que c’est que cet OVNI ? C’est génial ! ». Je souhaite donc, pour l’Édition 2023, des OVNIs compris et appréciés du plus grand nombre. On croise au Festival des gens connus, avec une carrière incroyable, et puis des moins connus, qui débutent. Et le Festival crée des liens entre ces gens, tout en mettant en avant le cinéma belge. Parce qu’il y a des talents, chez nous ! La France s’en empare généralement, mais le Festival les révèle, heureusement ! Ils s’en vont, mais ils reviennent régulièrement. Le FIFCL est (aussi) là pour ça.

Fred De Loof

Copyright : Fabrizio De Patre

Il vit depuis 15 ans en équilibre entre courts et longs métrages, de part et d’autre de la caméra. Acteur, scénariste et réalisateur, Fred De Loof a conquis le cœur des Belges (et des autres) avec deux saisons de la série “Baraki”, et poursuivi la conquête des grands écrans avec “Les pigeons, ça chie partout” et “The Glorious Peanut”. On lui doit aussi l’inoubliable et drôlement noire publicité “Bruxelles Mobilité”. Notamment.

Qu’est-ce que la comédie pour vous?

J’aime jouer, diriger, réaliser de la comédie pour plusieurs raisons. D’abord, le genre touche un peu à tout, puisqu’il n’y a pas de bonne comédie sans un bon drame. Et puis les personnages sont, en général, très intéressants; ils sont souvent attachants, ils présentent une certaine fragilité, on se retrouve en eux: quelque part, on est tous des êtres comiques, on a tous des faiblesses et des moments gênants! 

Ce que j’affectionne particulièrement dans la comédie, c’est qu’elle se sert du rire comme d’une passerelle. Il y a autant de formes d’humour que de personnes, et j’aime trouver l’axe qui sera fédérateur sans nécessairement plaire à tout le monde: quand on essaie de plaire à tout le monde, on finit par ne plaire à personne. Trouver le langage commun entre le réalisateur, le raconteur d’histoires et les spectateurs, c’est assez jouissif. J’aime aussi le côté ascenseur émotionnel: il y a toujours des hauts et des bas, dans une comédie, des moments très drôles et d’autres dramatiques. La richesse tient à ces moments où l’on rit, ces moments où l’on a peur, ces moments qui nous touchent, aussi. 

C’est très intéressant qu’il y ait des festivals comme le FIFCL, parce que la comédie est souvent le vilain petit canard des sélections des festivals. Or les vilains petits canards font avancer notre société, ils offrent une dynamique de libre-arbitre et de liberté de penser ! Et puis une bonne comédie a tendance à ramener beaucoup de monde dans les salles: c’est un organe vital, qu’on sous-estime encore.

Qu’attendez-vous de la programmation officielle?

J’apprécie particulièrement, et j’espère visionner, une comédie qui ne soit pas poussive, qui n’insiste pas lourdement dans le style “Les gars, il y a une blague, riez!”. C’est un exercice de style très compliqué. D’autant que la comédie est le reflet de notre époque: elle agit un peu comme un miroir, elle permet d’appréhender tous les sujets (politiques, sociologiques, philosophiques…). Il y a plein de théories et de règles sur ce qui fonctionne, ou non, mais il faut avant tout créer une alchimie entre un regard et une situation dans un ensemble de micro-événements, d’imprévisibilité et de chance! C’est ce que je trouve magique.

Je ne suis pas fan, en revanche, des comédies qui se moquent, qui font du mal à certaines personnes ou communautés. La vraie bonne comédie, c’est quand on arrive à faire rire beaucoup de monde sans blesser personne, mais sans être lisse. J’aime une comédie qui pousse à réfléchir. On est de plus en plus bridé, c’est dangereux: moins on s’autorise la comédie, plus on tombe dans un certain type de censure. Et quand on n’ose plus parler d’un sujet, il devient tabou… La comédie est un bon moyen de délier les langues, de mettre les sujets sur la table, de façon intelligente. Elle est indispensable au bon fonctionnement de notre société: il faut l’exploiter, pour plein de bonnes raisons! Et puis à la fin, on meurt tous, alors ce petit moment sur terre, autant que ça soit une bonne tranche de rigolade.

Pierre Ligot

 Copyright : Pierre Ligot

Formé au Cours Florent de Paris, il affiche un parcours théâtral éclectique et riche, entre Liège et Paris. Également homme de sketches et de capsules vidéo, Liégeois de cœur et d’âme, il a rejoint l’équipe du FIFCL dès sa première édition en 2016.

Qu’est-ce que la comédie, pour vous ?

Une comédie, et particulièrement une comédie de court-métrage, doit me permettre d’être rapidement emporté par l’histoire ou l’univers du réalisateur. Je dois être vite pris par le film, voilà, d’autant plus vite que le format est court. Un réalisateur doit avoir quelque chose de singulier à raconter, nous emmener dans un monde particulier, plutôt que de se baser sur ce qu’on trouve en ouvrant le journal. Et puis une comédie réussie n’est pas explicative : souligner au Stabilo ce qu’on a voulu dire n’apporte rien au spectateur. J’aime les comédies qui montrent nos failles subtilement. 

Une belle réalisation est toujours agréable, mais je peux tout à fait me satisfaire d’un « fait-maison » où l’on sent une forte envie des participants de créer, de raconter, de partager quelque chose. Enfin, d’un point de vue technique, j’aime les réalisations créatives, qui sortent du champ/contrechamp classique, et les montages inventifs. Et je préfèrerai toujours un film surprenant, où on rigole, à un truc bien léché où il ne se passe rien.

Qu’attendez-vous de la programmation du Festival ?

Une programmation variée ! Nous avons la lourde tâche de promettre de la comédie de qualité, des éclats de rire et des sourires. C’est déjà beaucoup ! Mais je veux aussi une programmation qui donne l’envie aux spectateurs de se renseigner sur le travail de réalisateurs qu’ils ne connaissaient pas jusque-là : ils sont souvent bien meilleurs que certains programmes qu’on nous sert par ailleurs ! Si un seul film, court ou long, peut susciter cette envie, éveiller la curiosité quant au parcours d’un comédien ou à l’univers d’un réalisateur, je serai heureux.

Constant Carbonnelle

Copyright : Valentin Delaunoy

Passionné de théâtre et de cinéma, il obtient un bac en langues modernes avant de s’autoriser à suivre le Cours Florent, à Paris d’abord, puis à Bruxelles. Figurant dès qu’il le peut, membre de publics lors d’émissions de télévision, ouvreur de théâtre : il multiplie les petits métiers, mais fréquente toujours, de près ou de loin, ce monde qui l’attire depuis l’enfance. Ses débuts en tant que blogueur spécialisé dans le cinéma décident de sa voie : il sera critique de cinéma ! En 2018, il le devient officiellement pour les journaux de L’Avenir. Il rejoint l’Union de la Critique de Cinéma puis l’Union de la Presse Cinématographique Belge, ce qui lui ouvre les portes des jurys de festivals en Belgique et à l’étranger. Constant a également été membre du jury presse internationale au 76e Festival de Cannes. Deux fois juré pour le FIFCL, Constant rejoint le Comité de Sélection au printemps 2023.

Qu’est-ce que la comédie, pour vous ?

Quand on entend le mot « comédie », évidemment, on pense à rire, à sourire, à un film qui rend heureux. Pourtant, je pense que son spectre est bien plus large. La comédie est sans doute le genre cinématographique qui se marie le mieux avec les autres : voilà pourquoi on trouve des comédies sentimentales, dramatiques, horrifiques, sociales, absurdes, d’aventure. Les films d’animation eux-mêmes contiennent souvent une part de comédie.

Je dirais surtout que la comédie rassemble les gens, dans une humeur positive et collective. Son esprit fédérateur me semble essentiel, aujourd’hui plus que jamais.

Qu’attendez-vous de la programmation du Festival ?

Le Festival a démontré, au fil des éditions, la qualité de sa programmation, éclectique et exigeante, en rassemblant des films, courts et longs, issus de pays et de genres différents. J’espère que cette édition-ci poursuivra sur cette voie pour toucher le plus de gens possible, qu’elle proposera des œuvres intelligentes, porteuses d’un message fort et universel, mais aussi plus légères, de celles qui vous font sortir de la salle avec un sentiment de joie. J’attends aussi, des films de comédie, qu’ils permettent d’inculquer des valeurs fortes, d’aborder des sujets sensibles, de bouleverser le public, avec humour. J’ai envie d’un Festival qui rassemble toutes ces émotions-là.

Manuel Houssais

Copyright : Christophe Toffolo

Il a accompagné les jours et les nuits des auditeurs de Radio France pendant plus de 30 ans. Touché très tôt par une cinéphilie dévorante, il a également, et surtout, fréquenté les festivals de France et de Navarre. « Compagnon du FIFCL depuis ses débuts », il n’a pas son pareil pour animer les plateaux télé et les rencontres avec le public. En 2023, il intègre également le Comité de Sélection du Festival. Manuel Houssais a été nommé en 2022 au grade de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres par Roselyne Bachelot, ministre de la Culture dans le gouvernement Castex.

Qu’est-ce que la comédie, pour vous ?

La comédie, c’est un genre qui évoque d’emblée le registre de l’humour. Et, effectivement, son but premier est de faire rire, ou sourire. Mais quand on se penche davantage sur le genre, on s’aperçoit que son spectre est beaucoup plus large. Et quand on s’efforce, comme le FIFCL, de le couvrir entièrement, on découvre que la comédie italienne est souvent dramatique, les larmes ne sont jamais loin, alors que la comédie américaine, par exemple, sait faire la part belle aux road movies, doux-amers symboles d’une quête, d’un cheminement. On y retrouve aussi parfois un aspect burlesque, très visuel, chez Blake Edwards notamment, dans la tradition des comédies françaises de Tati. Le FIFCL, ouvert sur le monde, nous enseigne que ramener la comédie à l’humour, seulement, est un peu réducteur.

Qu’attendez-vous de la programmation du Festival ?

Ce que j’aime au FIFCL, et ce que j’attends, c’est avant tout la possibilité de rencontres, au moment précis où tout se cristallise : pendant quelques jours d’une grande intensité, les professionnels du secteur côtoient les spectateurs qui découvrent leurs œuvres. On vit des soirées, des émissions, des photocalls, des conférences de presse, dans une grande effervescence.

J’espère que cette édition 2024 sera un rendez-vous incontournable pour la rentrée du cinéma belge, avec ses invités, ses avant-premières, ses prix et ses surprises. Il a acquis toutes les vertus d’un grand festival aux yeux des professionnels, mais il n’a jamais manqué de rester tel qu’il est : un événement à taille humaine, où les contacts restent spontanés et informels. Il a grandi sans perdre ces ingrédients-là, si précieux, grâce au quatuor qui le dirige et aux équipes formidables de bénévoles qui préservent sa flamme.

Aujourd’hui, dans le petit monde du 7e art, le savoir-faire liégeois en matière d’accueil chaleureux fait florès : ceux qui sont déjà venus reviennent, vous savez, et ceux qui n’ont pas encore pu y aller sont ravis d’être invités, après en avoir entendu parler. Ils savent déjà qu’ils en garderont un souvenir inoubliable.

Adrien François

Copyright : Baudouin Litt

Il a dirigé Michel Galabru, Armelle, Jean-Pierre Castaldi, Jonas Bloquet, Isabelle de Hertogh ou encore Sébastien Cauet dans différents courts-métrages. Il a réuni Benoît Poelvoorde, Karin Viard, Gérard Lanvin, Gérard Darmon, Valérie Lemercier, Dany Boon, Nathalie Baye, Franck Dubosc, Jean-Claude Van Damme, Josiane Balasko, André Dussollier, Christian Clavier, Michèle Laroque et Thierry Lhermitte, notamment, au fil des éditions du Festival International du Film de Comédie de Liège, dont il est le délégué général. Directeur artistique des toutes nouvelles Rencontres du Cinéma du Grau-du-Roi (France), Adrien François parle cinéma, dort cinéma, vit cinéma, et juge un film « sur la qualité des émotions qu’il provoque ».

Qu’est-ce que la comédie, pour vous ?

Une comédie, c’est un film dont les gens attendent qu’il les fasse rire. Or, parce que nous façonnons le FIFCL à notre image, on ne trouve pas chez nous que des comédies pures : on vient y chercher des rires, oui, mais aussi des larmes, des frissons, des émotions ! Le cinéma doit offrir un moment figé, hors du temps, au cours duquel on ne pense ni à ses soucis, ni à son téléphone. C’est quand on est en totale immersion qu’on sait qu’un film est réussi !

En même temps, l’expérience du FIFCL nous montre que ne rit pas de la même façon, ou des mêmes choses, d’un continent à l’autre. Pour cette raison, le rire est peut-être le genre le plus difficile à exporter, en plus d’être le plus difficile à réaliser. Mais c’est jouissif pour nous, de montrer des films que nos spectateurs ne verront sans doute jamais ailleurs. De s’intéresser à l’Autre, à d’autres cultures, en partageant des moments de cinéma.

Qu’attendez-vous de la programmation du Festival ?

La programmation du Festival se développe de manière croissante, et entraîne son lot d’exigence. C’est pour cela que nous avons un comité de sélection de plus en plus affirmé, de plus en plus compétent. Nous voulons que la programmation reflète ce que nous répétons depuis des années : qu’elle propose des comédies dramatiques, familiales, sociales, romantiques, musicales, horrifiques… Le FIFCL attire de plus en plus de candidatures. Les réalisateurs reviennent, d’année en année, et nous permettent d’ouvrir une fenêtre sur le monde par la programmation, les moments d’échanges, les espaces pro… Nous retenons le meilleur du cinéma de comédie et nous le proposons aux festivaliers. À eux d’en retirer ce dont ils ont besoin.