C'est arrivé près de chez vous
l'héritage et la légende

Il est sans conteste l'un des films les plus cultes du cinéma belge. Trente ans après sa sortie en salle, que reste-t-il de son héritage ? Rencontre avec le critique cinéma belge Hugues Dayez.

L’audace et le parti pris non-reproductibles

Sorti en 1992 et réalisé par Rémy Belvaux, André Bonzel et Benoit Poelvoorde, C’est arrivé près de chez vous est très souvent qualifié d’ovni cinématographique par les spécialistes du genre. Un ovni qui a laissé une trace indélébile dans l’histoire du septième art. Mais qui, bizarrement, n’a pas franchement créé d’émules parmi les nouvelles générations. C’est du moins ce qu’affirme Hugues Dayez, critique cinéma : « Il n’y a pas vraiment d’équivalent aujourd’hui, on ne peut pas dire que ça ait fait école. On peut éventuellement parler de Benoit Mariage, qui est resté dans la même veine, mais dans une bien moindre mesure. »

Non seulement il n’a pas créé d’émules, mais en prime, il serait «non-reproductible» et surtout «insortable» aujourd’hui. « C’est impossible à refaire, il y a trop de choses qui passeraient mal, entre le petit Grégory, le viol, etc. Le tourner, c’est évidemment faisable. Le diffuser à grande échelle, certainement pas » précise Hugues Dayez. Pour d’innombrables raisons, toutes liées à notre société actuelle. « Nous vivons dans une dictature du politiquement correct, regrette-t-il. Beaucoup de choses ne seraient plus possibles aujourd’hui. Et déjà à l’époque, des arrangements ont dû être pris concernant l’affiche du film. En France, la tétine a été remplacée par un dentier, comme si c’était moins barbare de tuer un vieux qu’un bébé »

Plaire et déplaire  

En Allemagne, à la sortie du film, le cinéma belge était dépeint comme tel : « un cinéma qui nous livre souvent des films très méchants. En les regardant, votre rire reste coincé dans la gorge ». Et pour Hugues Dayez, c’est parfaitement vrai. « C’est un film pervers parce qu’il met le public de son côté en le faisant rire puis glisse progressivement vers le malaise. » souligne-t-il. On retient des répliques. On retient quelques scènes cultes. Et puis, on en oublie d’autres… « C’est ce qui fait de ce projet un film hors-norme. Il n’est pas parfait, certaines choses tombent à plat. Mais il n’en est pas moins formidable. » résume le critique.

Une chose est certaine, le trio de tête que forment les acolytes a permis de créer une proposition hors du commun, un « one-shot » de qualité qui s’est conjugué autour du savoir-faire et du culot de chacun. Le talent de caméraman de Bonzel, l’ingéniosité conceptuelle de Belvaux, l’aisance de Poelvoorde. Au bon endroit, au bon moment. L’alignement des astres qui fait de ce projet de fin d’études une incroyable réussite. « Je les vois un peu comme un groupe pop, sourit Hugues Dayez. Un seul album tous les trois. Et puis, chacun a pris son propre chemin. Des tempéraments très différents, qui se complètent sur un seul et unique projet. » Un seul et unique film qui marquera des générations et surtout un pays tout entier.